La Fondation Custodia

Racines aux Pays-Bas

La Fondation Custodia fut créée en 1947 par le collectionneur et connoisseur néerlandais Frits Lugt (1884-1970) et son épouse Jacoba (To) Lugt-Klever (1888-1969). Il s’agit de l’une des plus importantes collections de dessins anciens, d’estampes et de lettres d’artistes en mains privées, faisant véritablement de la Fondation Custodia la « maison de l’art sur papier ». Elle a pour mission de servir l’histoire de l’art, au sens le plus large du terme.

Un véritable ‘flair’ pour la qualité

Frederik Johannes Lugt, né à Amsterdam en 1884, avait dans le sang le goût de collectionner et de cataloguer. À huit ans, Frits, comme on l’appelait, rédigea celui de ses ‘trésors’ – Museum Lugtius, geopend als de directeur thuis is (ouvert quand le directeur est à la maison) – qui comprenait, entre autres choses, certains coquillages assez rares. À partir de dix ans, il consacra tout son temps libre au Rijksmuseum d’Amsterdam, ou il examinait attentivement les œuvres, dont il faisait des copies. Il obtint aussi, non sans peine, d’avoir accès au Cabinet des Dessins, ou les conservateurs le regardaient d’un œil soupçonneux. Le jeune Frits devint un fanatique et passa dès lors tous ses loisirs dans la salle de consultation. À son grand étonnement, il constata qu’il n’existait pas d’inventaire des dessins hollandais et décida sans complexe de l’entreprendre lui­-même, décrivant soigneusement chaque feuille, recherchant les provenances, copiant les signatures et rédigeant une courte biographie pour chaque artiste. À la fin de 1899, il en était arrivé à Jordaens et avait répertorié 955 dessins.

La biographie de Rembrandt par le jeune Frits Lugt, 1899
La biographie de Rembrandt par le jeune Frits Lugt, 1899

Rembrandt, qui avait fait l’objet d’une exposition capitale en 1898, exerçait une fascination particulière sur Lugt : un an plus tard, il surprenait sa famille et ses amis par une biographie détaillée de l’artiste, incluant le résultat des travaux les plus récents. Dessinateur habile, il l’avait illustrée de ses propres croquis. La biographie de Rembrandt allait changer du tout au tout sa vie d’adolescent.

Grâce à un parent, Lugt se vit offrir un poste dans une firme réputée de ventes publiques, celle de Frederik Muller à Amsterdam. Il interrompit du même coup ses études secondaires. Chez Muller, il passa l’essentiel de son temps à établir les catalogues de vente, ce qui lui permit d’exercer son œil pénétrant, et de développer son extraordinaire mémoire visuelle. Le plus important était de regarder, de regarder et de comparer, afin d’aborder l’art de façon concrète. Il ne pouvait y avoir de meilleure formation. Autodidacte, Lugt pensait que l’amour de l’œuvre d’art primait sa signification historique. Pour lui, le goût et la sensibilité étaient finalement plus nécessaires à une véritable compréhension des œuvres que le raisonnement ou les diplômes universitaires. Lugt devint un expert de réputation internationale sur l’art flamand et hollandais, doté d’un véritable ‘flair’ pour la qualité. La situation précaire de la maison Muller après qu’avait éclaté la Première Guerre mondiale obligea Lugt à la quitter en 1915. Tant qu’il y était attaché, il ne pouvait se permettre d’acquérir des œuvres pour son propre compte : il était libre désormais de faire une collection personnelle.

Le couple Frits Lugt et Jacoba Klever à leur mariage, décembre 1910
Le couple Frits Lugt et Jacoba Klever à leur mariage, décembre 1910

Son mariage avec Jacoba Klever (1888-1969) lui apporta une certaine indépendance financière. Tous deux formèrent un couple uni pendant près de soixante ans et avaient en commun le même amour de l’art. Lorsque ses obligations familiales le lui permettaient (ils avaient cinq enfants), Madame Lugt accompagnait son mari dans ses voyages à l’étranger et dans ses visites aux salles de vente ou aux musées. Pour créer leur collection, ils recherchèrent d’abord les dessins, les gravures et les livres anciens, dont les prix restaient raisonnables. Les peintures, surtout celles des grands maîtres, étaient trop onéreuses. À l’époque, Lugt vivait en conseillant d’autres collectionneurs et en agissant comme intermédiaire, bien que son beau-père ait toujours été prêt à l’aider. Réunir des œuvres de qualité n’était pas seulement une question d’argent : il y fallait aussi des relations et une grande expérience du marché de l’art, ce dont Lugt ne manquait pas. Il put ainsi acquérir des pièces qui, normalement, n’auraient pas été accessibles à de simples amateurs.

Pour bien des collectionneurs, des marchands, des historiens d’art, le nom de Lugt reste associé à deux ouvrages de référence toujours inégalés et indispensables. Les Marques de collections de dessins et d’estampes parut en 1921, avec un supplément en 1956. Dans ces livres – aujourd’hui actualisés et disponibles en ligne – on trouve une masse d’informations sur les collectionneurs et les moindres vicissitudes des œuvres passées dans leurs mains. Sa deuxième entreprise, considérable, réalisée avec plusieurs assistants, aboutit aux quatre volumes du Répertoire des catalogues de ventes publiques, fondé sur son énorme collection personnelle de catalogues. Le premier tome, qui décrit et analyse ceux des années 1600-1825, parut en 1938.

{Les Marques de collections de dessins & d'estampes}, 1921, et son {Supplément}, 1956
Les Marques de collections de dessins & d’estampes, 1921, et son Supplément, 1956

L’autorité internationale de Lugt en tant qu’expert est amplement démontrée par le fait qu’il fut chargé d’établir les catalogues des dessins flamands et hollandais du Louvre, de la Bibliothèque Nationale et de l’École des Beaux-Arts de Paris.

La création de la Fondation Custodia

Pendant leur séjour aux États-Unis, où ils passèrent les années de guerre, les Lugt avaient été très impressionnés par les initiatives des mécènes et autres amateurs d’art. C’est ce qui détermina, en 1947, leur décision d’instituer la Fondation Custodia pour lui transmettre leur collection. Le projet de créer un centre d’art et de recherches aux Pays-Bas ayant échoué, les Lugt décidèrent de s’établir en France, leur seconde patrie. Ils achetèrent un hôtel particulier à Paris pour y installer la Collection Frits Lugt.

En 2010 est parue la biographie de Frits Lugt : Frits Lugt 1884 – 1970. Living for Art, écrite par J.F. (Freek) Heijbroek, ancien conservateur du Rijksmuseum.
(Uitgeverij THOTH, Bussum, ISBN 978 90 6868 592 3 pour l’édition anglaise ; ISBN 978 90 6868 551 0 pour la version néerlandaise).

Il existe un lien qui unit les amateurs d’art de tous les pays, un lien dont les nœuds sont fortifiés par les dispositions communes à tous ceux qui aiment et qui recherchent le beau.
Frits Lugt, Maartensdijk juin 1921

Prix et décorations

Frits Lugt est décoré de l'Œillet d'argent par le prince Bernhard des Pays-Bas, 28 juin 1956
Frits Lugt est décoré de l’Œillet d’argent par le prince Bernhard des Pays-Bas, 28 juin 1956

Les époux Lugt ont été le premier couple à se voir décerner, par arrêté royal, la Médaille d’or des Musées. Frits Lugt s’est vu attribuer la médaille en 1954, au premier chef pour ses nombreuses années de service au Rijksbureau voor Kunsthistorische Documentatie (actuel Institut néerlandais d’histoire de l’art). Jacoba Lugt-Klever, son épouse, a été décorée de cette médaille en 1956 pour l’immense travail que son mari et elle ont accompli avec la Fondation Custodia. Le 28 juin de cette même année, le prince Bernhard a remis à Frits Lugt l’Œillet d’argent pour son inestimable contribution dans le domaine de l’histoire de l’art et la création de l’Institut Néerlandais établi à Paris jusqu’en 2013, date de sa fermeture. Le 25 mars 1960, l’Université d’Utrecht a décerné à Frits Lugt la médaille d’or d’honneur « en reconnaissance de son action dans le domaine de l’art ».

La Fondation Custodia – Collection Frits Lugt

La collection placée sous l’égide de la Fondation Custodia, dite « Collection Frits Lugt », est établie à Paris. Elle réunit un ensemble exceptionnel de dessins, estampes, lettres d’artistes et peintures. L’essentiel de la collection a été acquise par Frits Lugt, un « amateur éclairé » qui, en tant que collectionneur et connaisseur d’art, se laissait d’abord guider par son intuition, son goût et son amour pour l’œuvre d’art.

La Collection Frits Lugt à Paris
La Collection Frits Lugt à Paris

La Collection Frits Lugt n’est pas un musée, mais une collection d’étude qui peut être consultée sur rendez-vous, au sein d’une atmosphère intime propice à l’analyse et à la lecture. Aujourd’hui, la Fondation Custodia poursuit une politique d’acquisitions aussi exigeante que soutenue, réalise des publications et organise des expositions : la Collection Frits Lugt demeure plus vivante que jamais. Pour en savoir plus sur la Collection Frits Lugt, nous vous invitons à consulter son site français.

Le Conseil néerlandais de la Fondation Custodia a mis son expertise en commun dans de nombreux domaines, garantissant ainsi l’avenir de la collection. La Fondation Custodia est responsable de la gestion de la Collection Frits Lugt, de la recherche scientifique qui l’accompagne, de l’édition des publications et de l’organisation d’expositions. Un directeur a été nommé par le Conseil qui, avec le personnel scientifique et administratif, est responsable de la gestion quotidienne de la collection et de la mise en œuvre des différentes activités en France et à l’étranger.

Initiatives de la Fondation Custodia aux Pays-Bas

Outre la gestion, la conservation et l’enrichissement de la Collection Frits Lugt, la Fondation Custodia organise ou collabore à de nombreuses expositions en France, aux Pays-Bas et dans le reste du monde. La Fondation Custodia encourage également la recherche scientifique dans le domaine de l’histoire de l’art et édite d’ambitieuses publications à destination des chercheurs et du grand public. Elle stimule la formation de jeunes historiens de l’art par l’attribution d’une bourse de recherche Jacoba Lugt-Klever de deux ans au RKD (à La Haye) et par l’intermédiaire de la bourse d’études Frits et To Lugt, au moyen duquel la Fondation Custodia soutient des activités éducatives et de recherche dans son domaine de collection (en particulier les œuvres sur papier et l’histoire des collections).

La Fondation Custodia soutient par ailleurs des institutions telles que le RKD-Nederlands Instituut voor Kunstgeschiedenis (Institut néerlandais d’histoire de l’art) à La Haye et le Nederlands Interuniversitair Kunsthistorisch Instituut (NIKI-Institut néerlandais interuniversitaire d’histoire de l’art) à Florence. Elle subventionne des publications néerlandaises en histoire de l’art qui recoupent les activités de la Fondation Custodia, parmi lesquelles les revues Delineavit & Sculpsit, spécifiquement dédié au dessin et à l’estampe, et Oud Holland, qui bénéficie d’une subvention annuelle pour la traduction de la part de la Fondation Custodia.

Le conseil néerlandais de la Fondation Custodia

La Fondation Custodia est une fondation de droit suisse (Stiftung). Du fait de ses racines néerlandaises, elle a été gérée depuis les Pays-Bas dès sa création. Les réunions du conseil se tiennent donc principalement aux Pays-Bas et se déroulent en néerlandais. La majorité des administrateurs résident aux Pays-Bas et, conformément à l’article 4 des statuts de la Fondation Custodia, sont de nationalité néerlandaise : « La majorité des membres du conseil doit être de nationalité hollandaise. » Au secrétariat du conseil à Doorn, deux collaborateurs assistent le conseil dans ses tâches de gestion. Aussi bien la Fondation Custodia que sa fondation de soutien néerlandaise Stichting Simplicitas sont officiellement reconnues comme des institutions culturelles d’utilité publique (ANBI).